C’est finalement le terme logique d’une longue enquête qui s’achève. Après plusieurs témoignages de passants au fil des derniers mois qui, passant devant la clôture en courant, ont constaté à maintes reprises que les chats de cette maisonnette roupillaient plus encore que ce couple de sexagénaires où les chats férals avaient élu domicile, que l’alerte a été donnée. L’ attitude curieuse, peu courante chez les félins, toujours à l’affût d’un oiseau à croquer, a ému quelques personnes, qui ont alerté la Mairie. Les animaux semblaient par ailleurs bien nourris, aimant les caresses (quand ils étaient réveillés) et détestant les chiens (sans laisse), comme il se doit. Seule leur aptitude à la paresse parut suspecte aux passants, qui suivent une logique humaine souvent controversée par les fainéants eux-mêmes.
Un comité de surveillance citoyenne fut mis en place, composé de vieux ronchons bénévoles qui se réunirent dans une association ( agréée d’intérêt public et générale***), créant dans leur élan un petit blog de ratiocineurs avérés, afin d’avoir la main mise sur tous les éléments qu’ils dispachaient ou que la municipalité leur fournissait aimablement en échange de quelques publicités politiciennes gratuites. Dans ce petit bourg tranquille, (quand on n’y trouve pas d’obus de la dernière guerre dans le fond des jardins), la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre. Un défilé d’habitants désœuvrés déroula son fil pour constater, de visu, la réalité des faits. Effectivement, les chats roupillaient comme des bienheureux, ouvrant parfois un œil quand une canne en bois frappait le portail. Le couple, quant à lui, ne s’en offusquait pas. Cela faisait un peu de conversation, quand un curieux s’arrêtait. Le couple offrait même à boire aux langues les plus pendues du patelin, comme aux enfants.
– »Eh oui, nos chats dorment ! Ils sont tellement mignons, quand ils dorment ! » disait Chinette, la compagne de Chinou. « Et puis on les nourrit bien, avec des produits de qualité achetés au prix fort au supermarché du haut de la côte. Une petite fortune, de quoi se payer trois bons restaurants chaque mois, mais bon, ce sont nos compagnons fidèles ! » Le curieux repartait avec en tête la discussion, qu’il transmettait aux vieux ronchons qui le publiaient ensuite sur leur blog ratiocinant. L’affaire se corsa quand la gendarmerie intervînt. Finis les blablas, point de rigolade. La SPA fut avertie, car les animaux semblaient, selon les racontars, en danger d’hypersomnie. En toute logique, elle porta plainte pour mauvais traitements psychiques avec usage de psychotropes non conventionnés par la Sécurité Sociale. Et le couple dut s’expliquer. Il fallut montrer les tickets de caisse du supermarché, et les boîtes et sachets de croquettes dont ils étaient censés les nourrir.
Ce fut un moment terrible, pour tous, surtout pour les chats et le couple. On découvrit (par une mauvaise manipulation de Chinou dans le placard) que certaines boîtes ne provenaient pas du supermarché du haut de la cote, mais du marché noir, le prix étant réduit de moitié pour un même contenu (riche en Oméga 3). Il en allait ainsi également du lait pour chatons et adultes: tous les chats étaient saouls, ou drogués, ainsi que les deux vieux qui les nourrissaient. Raison principale des longues siestes et autres aptitudes à ne rien faire pendant des heures, des jours et des nuits, sinon de rêvasser en attendant la prochaine boîte de conserve, de Baileys, et tutti quanti.
Démasqués, Chinette et Chinou sont désormais au trou (de souris), et les minous finissent leur vie dans des cages, en attendant d’être adoptés par de bonnes âmes, qui ne viendront jamais. Car il n’y a pas de paradis ni pour les hommes ni pour les chats. Seuls les poissons-chats s’en sortiront, s’ils ne mangent pas trop de plastique…
AK
24/07/2018
Ptcq
Les faits qui font effets (la véracité de l’info):